Le terme de "précaution" contient en lui-même la solution : "cavere" en latin veut dire "empêcher" , "prendre garde" (cf. "cave canem" : "prends garde au chien" à la porte des maisons), le sens de "prae" latin annonce l’anticipation, ce qui justement n’existe pas encore et contre quoi il faut se munir. Il faut agir avant d’empêcher quoi que ce soit. La précaution est un acte. Le fait de l’ériger en principe devrait être une garantie pour l’avenir.
Un opérateur décide d’installer une antenne-relais sur une zone résidentielle pavillonnaire en majorité. Comme la loi le lui demande, il fait une demande d’autorisation de travaux auprès de la mairie, remplit le cahier des charges tout comme il faut. Un détail cependant, le site choisi se trouve à moins de 50 mètres des écoles, à l’aplomb d’un stade, en plein milieu des coteaux de Nogent sur Marne, à moins de 200 mètres du Pavillon Baltard à vol d’oiseau, en plein milieu du fameux coteau de la ville, où jadis la culture de la vigne a fait sa notoriété (le " petit vin blanc").
Un premier accroc, ce n’est que le 15 août que les riverains apprennent la pose par un panneau posé à l’endroit prévu. C’est l’émotion. Individuellement, ou par l’intermédiaire de l’association, l’AHCN, qui essaie depuis 15 ans de défendre l’aspect du coteau, tout le monde réagit, par courrier, par des signatures, puis par les contacts avec la mairie. Des réunions ont lieu avec les responsables de l’opérateur, des structures officielles comme des responsables de l’ANFR, pour confirmer la chose et indiquer qu’il n’y a pas péril en la demeure, que les antennes sont orientées non pas vers les écoles mais vers deux directions vers le bas du coteau, avec force cartes à l’appui. La pose est reportée, mais l’association demande une série d’analyses radioélectriques du site, qui est acceptée, et en outre la mairie s’engage avec l’opérateur à faire un suivi des analyses après la pose de l’antenne GSM.
Ainsi selon la mairie, le principe de précaution est sauf. Il y a eu concertation et médiation. Les normes techniques sont correctes. De quoi se plaint-on ?
Pourtant, lors de son Assemblée Générale du début décembre, les adhérents de l’association votent à l’unanimité moins deux abstentions contre la pose prévue le 14 février.
Et le jour dit, les riverains sont là pour empêcher la grue d’installer l’antenne.
Mais qui a piqué les riverains de se manifester de la sorte ? La réponse est très simple : pour eux le principe de précaution n’est pas vraiment appliqué. C’est l’autre versant de ce principe, la technique ne suffit pas, c’est l’aspect humain, affectif, qui l’emporte. Et si la technique ne disait pas tout ?
Finalement, sur le fond, où se trouve la précaution ?
Le rapport Zmirou recommandait pourtant de ne pas poser d’antennes dans un rayon de 100 mètres de toute collectivité. Mais recommander n’est pas ordonner, apparemment. La grande proximité des écoles a fait bondir plus d’un parent d’élève, le doute s’est installé et le malaise s’étend. Et puis, est-on vraiment sûr que la pose est nécessaire, aussi proche des collectivités (d’autant plus que des riverains sur la zone se servent sans problèmes d’un portable de la marque de l’opérateur) ?
Tout le monde y va de sa bonne foi. Et l’on attend maintenant la suite.
Toute cette agitation semble finalement révéler que la définition du "principe de précaution" est encore beaucoup trop floue, qui permet d’être facilement contournée.
Imaginons que dans quelques années, on découvre qu’une certaine gamme d’ondes radioélectriques peut avoir des effets nocifs inconnus jusqu’alors, que pensera-t-on de ceux qui ont ignoré le problème, alors qu’il suffisait de prendre de larges précautions ?
Peu à peu, le grand public prend conscience de ce monde des champs électromagnétiques, invisible, qui l’entoure. Sommes-nous condamnés à vivre dans la crainte d’un danger potentiel ? Damoclès, es-tu là ?
Alfred.Raveau.
Administrateur de l’ACN
Ancien président