Saga de l’AHCN/ACN : I – 1988/89 : de l’importance du POS

Afred Raveau, ancien Président de l’ACN et actuel administrateur, nous raconte la saga du coteau, ou comment les riverains ont pris les choses en main, pour défendre leur quartier. Une série d’articles, à rebondissements dont voici le premier volet…

Préambule

Si on regarde la carte de Nogent sur Marne, on peut voir que le Coteau est loin en surface de représenter beaucoup dans l’ensemble de la Ville. Et pourtant, cette partie du méandre de la Marne, chère aux peintres et au vin blanc célèbre, a suscité  de bien belles empoignades!

On est loin du siège de la bande à Bonnot au début du XXème siècle. Non. Ce n’est plus le genre, ce n’est plus la méthode anarchiste qui prévaut. De nos jours, on fait dans le subtil, le silencieux. Dans les couloirs des administrations, on travaille sur  les plans d’une ville qu’on veut.

On découpe, on charcute, on partage, on attribue, on favorise, on gagne beaucoup d’argent. Bref, on construit.

Le "nogentais de base", qui a vécu en pavillon familial ou dans de petits immeubles de rapport, se voit entouré, envahi, encerclé, par du béton, du costaud, du pseudo-riche, où l’architecture est absente.

Pas de schéma directeur, ni une quelconque logique dans l’attribution des permis de construire. Le pifomètre est l’instrument de base. "Bon appétit, Messieurs les promoteurs".

La protection de l’environnement? KEKSEKSA? L’écologie  est ridiculisée, "c’est du luxe pour nantis", entend-on à l’époque.

Et voilà qu’une poignée de riverains commence à poser des questions, à réfléchir non pas sur des idées générales -donc politiques (mot abhorré)- mais sur des faits.

Ainsi, depuis 1988, date de la création de l’Association des Habitants du Coteau de Nogent, ces quelques égarés vont oser se dresser devant le Moloch, le Géant, le pot de fer, la cité imprenable, le pouvoir de celui qui veut construire à tout prix, et vite.

Nous vous proposons, au travers de cette série d’articles, une rétrospective des "aventures du Coteau". Nous essaierons de raconter les principales actions menées sur cette zone, et nous verrons qu’une population, quand elle se sent directement concernée, qu’elle vit des situations qui l’agressent,  peut infléchir des courants qui, au départ, paraissaient pourtant irrésistibles.

Voici deux aspects du coteau de Nogent: le premier, c’est notre quartier, vu du satellite, le deuxième, c’est le plan du quartier, sur lequel les points rouges indiquent les endroits où l’action de l’AHCN s’est fait sentir… depuis 17 ans!

Le coteau vu d'en haut. Cliquez pour agrandir

Coteau de Nogent et actions de l'ACN - Cliquez pour agrandir

I. 1988-89 –  De l’importance du  Plan d’Occupation des Sols (POS)

Premiers indices

Tout est parti de la déclaration de modification du POS, qui a fait réagir les habitants du coteau. Ceux-ci remarquèrent des anomalies dans cette modification et en firent état dans le cahier ouvert à cet effet. Le projet de modification du Plan d’Occupation des sols reçut finalement un avis défavorable de l’enquête lors de l’enquête publique, les arguments justifiant la demande de modification n’étant guère convaincants.

Et voilà que le bel édifice conçu au départ pour autoriser la modification -en pire- de la physionomie du coteau, finit par s’effondrer. Et quel édifice, quand on sait que pour modifier le plan d’occupation des sols d’une ville, il ne faut pas moins de :

  • Une délibération du Conseil municipal pour prescrire la révision du POS.
  • Un arrêté qui publie la liste des services associés à la révision.
  • L’information du Préfet.
  • Des Conseils de Quartier.
  • Une première réunion des services associés.
  • 8 réunions thématiques consacrées aux différents points de la révision.
  • Des Conseils de Quartier (2ème série).
  • Une Commission d’urbanisme consacrée à la révision du POS.
  • Une délibération du Conseil Municipal pour arrêter le projet de modification du POS.
  • La consultation des services associés.
  • Une nouvelle délibération du Conseil Municipal révisé suite aux observations émises par les personnes associées;
  • La désignation par le Tribunal Administratif du Commissaire enquêteur pour conduire l’enquête publique relative au POS.
  • Une enquête publique assortie de l’exposition du plan en Mairie.
  • Et enfin l’approbation définitive par le Conseil Municipal.

Ouf ! C’est très sérieux le POS (aujourd’hui PLU).

En effet, en regardant le plan de la ville et son découpage en zone appelée Uc (UCa, UCb , etc. ) et en cherchant à comprendre ce découpage, on pouvait remarquer que les limites semblaient obéir à une logique obscure: il ne suivait pas le relief de la ville… curieusement, des zones "mordaient" sur d’autres.

Sachant que chacune des zones possédaient ses propres caractéristiques concernant les dispositions à prendre pour les permis de construire (hauteur, surface de construction, etc.), les riverains purent s’apercevoir, avec surprise, que telle zone couvrait des surfaces qui auraient dû appartenir à une autre. Bref, il semblait bien que les zones avaient été arrangées pour faciliter un type de construction particulier. Et que, finalement, la topographie des zones ne correspondaient plus à la géographie de la ville : elle reflétaient celle qu’avaient à l’esprit… les promoteurs!

Le lièvre était soulevé.

Explications

Bon. Je vois. Vous n’avez pas tout compris.

Je recommence: le POS, c’est quoi? C’est un plan. De quoi? De la ville, c’est-à-dire  des surfaces, avec ce qu’il y a dessus. On y voit des maisons, des rues, des immeubles, etc.

Pourquoi un plan ? Parce que la commune doit imaginer des normes de construction nécessaires à l’attribution des  permis de construire,  de façon à empêcher la construction anarchique. "S’il n’y a pas de règles, je vais pouvoir construire mon gratte-ciel au bord de la Marne, avec les reflets dans l’eau. Comme à Manhattan".

Et bien justement, nous ne sommes pas à Manhattan!

D’où des règles en principe faites pour développer l’harmonie d’une ville,  pour le bien de la commune et de ses habitants.

Ca,  c’est la théorie. En pratique, en 1988-89, des riverains ont constaté que le découpage des zones est bizarre. Vous avez dit bizarre?

Pourquoi bizarre? Parce que, par exemple, dans une zone, la hauteur des constructions est fixée à 27m (le centre-ville) et dans d’autres, à 10m (le coteau). Si la modification du POS étend la zone des 27m sur celle des 10m… "je pourrai construire mon gros tas au milieu de pavillons, et en toute légalité".

D’accord, j’exagère (à peine). Mais c’est pour mieux faire comprendre l’importance du POS de l’époque.

Bon. C’est plus clair?

Action

Très rapidement, on a constaté que la topographie des zones présente des boursouflements que nous allons rapidement appeler "verrues".

Des verrues, il y en a plusieurs. Elles attirent l’attention de ces riverains qui apprennent à lire et à comprendre le POS modifié. Et qui finissent par obtenir le rejet de la demande de modification du POS. Ces "verrues" n’ont pas de justifications réelles.

Parallèlement, un particulier qui a constaté de nombreuses irrégularités évidentes dépose un recours devant le Tribunal  Administratif de Paris pour attaquer le permis de construire du 94, rue François Rolland (le stade), attribué à un promoteur. Coup de théâtre : le permis est retiré par la Mairie deux jours avant la séance du Tribunal Administratif de Paris. 

Pour la première fois, et à la surprise générale, des particuliers font annuler des décisions officielles! Sans avocat, sans conseiller technique, uniquement par une détermination sans faille et beaucoup de bon sens.

Ces premier succès en annonce d’autres.

A suivre…

2 thoughts on “Saga de l’AHCN/ACN : I – 1988/89 : de l’importance du POS”

  1. > A l’époque de Nungesser, env. 28.000h, on savait bien, quoiqu’il s’en défendait, que son but était d’amener Nogent à plus de 30.000h. Et bien c’est fait (dernier recencement)
    Question à poser à la Municipalité actuelle : « Prochain objectif : 35.000, 40.OOO…? »
    > Que chacun sache que depuis Nungesser, il n’existe plus de zone pavillonnaire, un collectif peut-être partout construit quelque soit la surface du terrain; c’est ce que les technocrates appellent  » la gestion volumètrique de l’espace », sans considération pour l’usage de la construction, individuel ou collectif.
    > Mais qu’est-ce qui pousse des maires à la destruction des propriétés individuelles tout en se présentant comme leur défenseur, à créer des règles favorisant le bétonnage pour ensuite blâmer les appétits des promoteurs ?
    Et ceci, contre l’opinion.
    > C’est ce que M.Martin appelle (et il a un adjoint pour çà) la Démocratie Participative.
    JR

  2. Cher JR,
    Le terme de « zone pavillonnaire » n’est pas plus juridique que le terme de « collectif ». Ces termes sont explicités par un recueil important qui, lui, fait force de loi , le « POS ».
    C’est un peu rapide de dire qu’on peut construire n’importe quoi n’importe où. Grâce au combat que nous avons mené pendant plus de 15 ans, la zone des coteaux par exemple, n’accepte pas de construction qui dépasse 9,50 de hauteur, au grand dam des promoteurs.(un » vélum » de 9, 50 qui suit les lignes de pente , élément fondamental que l’AHCN a réussi à faire inscrire dans le PLAN D’OCCUPATION DES SOLS. De même les coefficients d’emprise au sol (CES et COS) ont été étudiés pour protéger les petites constructions encore existantes.
    Je vous invite à consulter le POS de la Ville , qui est accessible à tous, et qui est une mine très technique d’informations qui régissent l’évolution de notre Ville.
    Par ailleurs, les maires, quels qu’ils soient, quelle que soit leur sensibilité politique, sont sans arrêt confrontés à une formidable pression des promoteurs qui doit être compatibles avec leurs sensibilités.
    La propriété individuelle rapporte peu par rapport aux taxes professionnelles . La tentation est grande de ne guère favoriser le développement de l’habitat individuel au profit de constructions plus groupées.
    Comme la ville a peu d’usines, peu de centres de grandes entreprises, comme Neuilly, par exemple, il faut trouver de l’argent dans les taxes d’habitation.
    On peut penser que c’est une des raisons pour laquelle on construit le plus possible. Finalement, le problème financier reste primordial.
    C’est une raison de plus pour résister à cette poussée de la construction d’une zone résidentielle, c’est -à-dire lucrative.
    Dernière remarque:aux dernières statistiques, la Ville augmente peu en volume. par contre, sa population change. Elle rajeunit. ça, c’est intéresssant. Et il semble qu’elle ait bien envie de conserver une qualité d’environnement qui l’avait attirée.
    Merci encore pour votre sympathique réaction. A.R.

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